mercredi 16 novembre 2011

Art fair 21, Köln, Germany, 2011














    Dans les tableaux de  Soo Kyoung LEE, il s’agit avant tout de connaissance, et même de connaissance universelle. En effet, les tableaux informels de l’artiste coréenne habitant à Paris recèlent l’image purement abstraite de notre réalité, apparemment objective. Ses travaux font penser à l’œuvre de jeunesse de Donald Baechler, ou encore à celle de l’artiste américain William MacKendree, vivant dans le sud-ouest de Paris. Cependant, lorsque Baechler et MacKendree mettent un terme à leur processus de peinture, décidant que leur œuvre est terminée, Lee Soo-Kyoung a pour sa part largement fini de peindre. L’observateur conserve l’impression que les vases et les nœuds que l’on discerne sur les toiles de Lee représentent les esquisses d’autres peintres. Esquisses, d’ailleurs, auxquelles MacKendree et Baechler cherchent à apporter une évolution dans leur application à donner à tout prix un aspect naturaliste aux formes.

Toutefois, de par ce zénith librement  et consciencieusement choisi,  Soo Kyoung LEE peut arrêter de rechercher d’autres formes et espaces structurels, mettant ainsi un point d’orgue au développement de son tableau. C’est pourquoi je décris ses compositions picturales comme un designo opaque. A cela l’explication est simple : que s’extériorise le concetto/designo classique, la première ébauche artistique grâce à des moyens emprunts de légèreté, de fraîcheur, de fluidité, et même sous forme d’esquisse, alors déjà, grâce à cette « esquisse » peinte avec technique jusqu’à l’achèvement de l’image de son ébauche créatrice à l’aide de l’acrylique opaque, elle en arrive à une composition de couleur et de forme définitives.

La couche supérieure masque une multitude de sous-couches et de sous-motifs ; d’un côté, elle laisse assez d’informations sur ce « sous-monde » pour éveiller la curiosité de l’observateur ; d’un autre côté cependant elle camouffle et dissimule autant d’informations afin qu’une identification véritable des couches inférieures reste impossible.  Ces formes font penser à des fonds archéologiques, aux fossiles de squelettes d’êtres préhistoriques que l’on dégage, avec une précision chirurgicale, au pinceau à poussière ; ou encore, pour rester dans le domaine contemporain, au sobre et objectif constat du criminaliste devant une exhumation.  Cette métaphore du pathologiste ne doit pas effrayer, car lui seul, roi des médecins, connait les véritables et définitives causes de la mort d’un être vivant.  Moyennant quoi il est d’ailleurs un des plus grands détenteurs de connaissances sur les pierres.

Dans le monde pictural de Lee, les formes sont des vases, mais seulement au premier coup d’œil, car, insaisissables en trois dimensions, elles s’inscrivent dans le plan bidimensionnel de la toile. De plus, elles sont peintes à l’acrylique, une technique qui est clairement prédestinée, suivant son caractère couvrant, plat et mat, à demeurer dans la surface, comme le rendent visible d’une part les travaux de l’artiste Pop-Art américain Robert Motherwell, mais également les œuvres de Morris Louis, et aussi celles du belge Pierre Alechinsky, membre du groupe COBRA. Cette propriété de la peinture à l’acrylique de Soo Kyoung LEE – rajouter couche sur couche à un cliché – la rapproche de la sérigraphie. Des contours saillants font ressortir les formes sur des arrières plans homogènement monochromes. Les formes, bien que peintes, nous donnent l’impression d’avoir été découpées et collées. L’observateur, conscient de l’idée de pochoirs (les clichés) et de silhouettes découpées, sera conduit à se souvenir du Pop-Art de Roy Lichtenstein, d’Andy Warhol et de Claes Oldenburg.


 Soo Kyoung LEE relie ainsi  d’un côté la tradition de son pays de naissance, avec les acquis de l’art de la porcelaine transformés par l’Europe, et la peinture du mouvement Pop-Art ainsi que les plus récentes recherches de formes des peintres contemporains américains et français. Une apparente contradiction en soi, dont le résultat est pourtant probant.  Soo Kyoung LEE, avec son univers de formes créatrices, porte un regard original et  bouleversant sur les « réceptacles »  de ce monde. Bon nombre de ses peintures font penser à ce que l’on peut voir au travers d’un microscope de laboratoire en observant des amibes ou autres bestioles et formes écrasées sous une plaque de verre. En clair, des formes concises devant des sous-plans, ou arrière-plans de couleur neutre.

Des formes labyrinthiques, structures cervicales et autres squelettes sont loin d’être difficiles à identifier. Pourtant, dans l’enchevêtrement des fils du labyrinthe, il n’est pas donné ni facile d’atteindre le centre, le but, le Moi. Lorsque l’on observe le tableau, ce n’est qu’en apparence que les fameuses formes s’équilibrent. Car  Soo Kyoung LEE ne s’arrête pas à cette vision réduite du monde. Pour elle, il s’agit de la « Connaissance universelle », de l’Etre. C’est pourquoi l’observateur inexpérimenté, qui ne peut pas déchiffrer les pictogrammes du premier coup d’œil – encore une fois – car il ne peut en voir que les formes qui s’offrent à lui de façon immédiate, se retrouve déconcerté et troublé face à leur présence, eux qui, innovateurs et encore inconnus, ne peuvent pas être décryptés de façon individuelle.

Les questions philosophiques autour de l’Etre, du sens de l’Etre, de l’Origine et de la Faute sont ici soulevées. La représentation que Lee choisit pour ce faire n’est pourtant pas explicative ; au contraire, elle transmet à l’observateur les questions sans les filtrer, en masse.

Ainsi la forme peinte place le « réceptacle » comme un synonyme du corps  par excellence, et par là même de l’être humain en général. Elle représente la cohabitation de l’humanité, de l’individu au sein du microcosme de la société, parfois solitaire (Shin Yun-bok/Hyewon), parfois en binôme ou en groupe (Kim Hong-do) ; de pair, en imbrication, indépendamment. Tantôt réciproque, tantôt restreinte, tantôt confortée.

Ces thèmes et ces formes de représentation sont loin d’être étrangers à la peinture de l’Asie du Sud-Est, et sont même constitutifs de son noyau culturel depuis des siècles. De même les artistes américains et européens aspirent, à travers la peinture informelle et abstraite, à une élucidation de l’énigme universelle.

Soo Kyoung LEE réunit dans son effort deux aspects fondamentalement essentiels. Elle mène une vie d’artiste subtile, de femme et de mère, dans deux capitales de l’art moderne –Paris et Séoul –, porte en elle le savoir du monde asiatique depuis sa naissance et s’ouvre d’elle-même à la philosophie occidentale par les études et la conversation. Elle donne à son public intéressé le fruit de sa recherché.




                                                                                                              Dr Martin H. Schmidt, 1er octobre 2011
                                                                                                              (historien d’art , traduit de l’allemand)








Vue de l'atelier en 2011









                                                 


Turquoise Pâle, 146 x 114 cm, Acrylic on canvas, 2011






Chocolat fondu, 146 x 114 cm, Acrylic on canvas, 2011








Vert amande, 146 x 130 cm, acrylic on canvas, 2011








Duo show avec Jean Marc Thommen
 in auditorium of Kronberg in Germany, 2011
















Dessins black and white, 2011




paper, acrylic and ink, 24 x 32 cm, 2011






paper, acrylic and ink, 24 x 32 cm, 2011






paper, acrylic and ink, 21 x 29,5 cm, 2011





paper, acrylic and ink, 21 x 29,5 cm, 2011







paper, acrylic and ink, 21 x 29,5 cm, 2011









Solo show at Moments Artistiques 
(Christian Aubert), Paris, 2011










































Rouge, acrylic on canvas, 150 x 130 cm, 2011






Bleu cyan, acrlyic on canvas, 90 x 70 cm, 2011






Turqoise pâle, acrylic on canvas, 158 x 146 cm, 2011







EN PREMIER LIEU




En premier lieu, je dépose une unique couleur sur toute la surface de la toile. Ce choix initial oriente le tableau à venir vers une certaine humeur et me donne à espérer une nouvelle visibilité. Les gestes qui suivent proviennent d’une longue attente, le temps nécessaire pour reconnaître ce nouveau lieu coloré. Ces gestes n’ont pas de repères. Ils sont la trace d’une saisie du moment. Mais je ne m’en tiens pas à cette première étape. J’observe, retourne à l’ouvrage pour moduler, bousculer, superposer et déplacer une suite d’actions sur le plan. Alors, seulement, commencent à naître des figures.

Ce va et vient, tendu entre regards et actions, procède d’un état de non volonté. Celui ci se canalise en conscience selon les limites de la surface, ses proportions et ses dimensions. Il s’agit d’obéir à l’inattendu, à l’imprévu, à l’indicible pour arriver à une sorte d’évidence.

Ce que j’entends par « figure », ne renvoie pas visuellement à des formes nommables. Celles qui habitent mes tableaux sont des organismes plastiques aux couleurs franches et contrastées, parfois épaisses, quelquefois maigres. Frontales et suspendues, elles ne sont jamais seules. Ou plus précisément elles cohabitent et semblent faire bon ménage de leurs différences, se bousculent et parfois s’entrechoquent, mais s’unissent finalement en surface et se figent dans leur présence.

Cet instant fugace est celui qui décide de l’aboutissement de chaque tableau. Car il est le questionnement que je souhaite partager avec le regard d’autrui, en premier lieu.

                                                                                                                       Sookyoung LEE, Paris, 2011








Solo Show in Gallery UM, Seoul, Korea, 2010
























Bleu pétrol voilé, acrylic on canvas, 150 x 130 cm, 2010







Mauve, acrlyic on canvas, 180 x 160 cm, 2010







Bleu cyan, acrylic on canvas, 195 x 160 cm, 2010






Rouge, acrylic on canvas, 110 x 100 cm, 2010






pourpre, acrylic on canvas, F 60, 2010






Vert pomme, acrylic on canvas, 110 x 100 cm, 2010








Solo show at Gallery UHN, Koingstein, Germany 2010
























Sapin, acrylic on canvas, 80 x 60 cm, 2010






menthe, acrylic on canvas, 80 x 60 cm, 2010







rose, acrylic on canvas, 80 x 60 cm, 2010






Cadium, acrylic on canvas, 80 x 60 cm, 2010












Solo show at L'H du siège, Valenciennes, France 2010
(works 2002 - 2010)
















































Le réel de la peinture chez Soo Kyoung Lee


« Phèdre, me disait [Eupalinos], plus je médite sur mon art, plus je l’exerce ; plus je pense et agis, plus je souffre et me réjouis en architecte ; – et plus je me ressens moi-même, avec une volupté et une clarté toujours plus certaines. Je m’égare dans mes longues attentes ; je me retrouve par les surprises que je me cause ; et au moyen de ces degrés successifs de mon silence, je m’avance dans ma propre édification ; et je m’approche d’une si exacte correspondance entre mes vœux et mes puissances, qu’il me semble d’avoir fait de l’existence qui me fut donnée, une sorte d’ouvrage humain. À force de construire, me fit-il en souriant, je crois bien que je me suis construit moi-même. »

Paul Valéry, Eupalinos ou l’architecte


Peindre, pour Soo Kyoung Lee, c’est peut-être inscrire un geste sur la toile. Mais c’est peut-être surtout s’inscrire par le geste dans le champ de la toile, et face à elle. En vis-à-vis, dans un jeu de miroir aveugle. Non pour y chercher une image ou un écho, mais plutôt pour y découvrir l’altérité. Pour y faire surgir une physicalité de la peinture dans une posture d’ouverture à ce qui fait son entité spécifique. Lorsque Vito Acconci combat son ombre dans la vidéo Shadow-Play, ce ne sont pas seulement les reflets de ses mouvements qui se projettent contre le mur, mais des figures abstraites, des in-formes, des masses étranges qui se détachent du corps et déploient leur présence fantomatique. Il n’y a pas d’adéquation visuelle entre le corps et son ombre, comme si celle-ci était un envers mystérieux et distinct, tout à la fois reliée au corps et séparée de lui – sa face obscure, impalpable mais réelle. De telle sorte que ce n’est pas le reflet du corps que l’on voit, mais bien le réel de l’ombre.

Dans son combat mené à échelle humaine envers la toile, c’est le réel de la peinture que Soo Kyoung Lee cherche à faire apparaître. Un réel tangible, figuré par le tableau dont les dimensions accueillent le corps en mouvement. Cette figure du tableau est celle de l’adversité – au sens où est adverse ce qui est en face. Celle-ci recueille les coups picturaux mais résiste aussi, faisant de chaque geste l’inscription d’une volonté, d’un désir tout en en déjouant la maîtrise pour orienter la partie et ménager l’espace des possibles. Chaque geste est autant un geste de découverte que celui d’une affirmation. Chaque geste construit le tableau dans l’étonnement de sa formation. C’est la corporéité du tableau que l’artiste tente de découvrir. Une corporéité qu’elle façonne par une multitude de couvrements et de recouvrements. Tout à la fois actes de dévoilement et de voilement, de révélation et d’enfouissement, de décision et de surprise, ces empreintes picturales semblent simultanément apposées et creusées, accumulées et approfondies – proposées et reçues, signes d’un va-et-vient perpétuel entre le corps et le tableau. Entre le corps et le tableau – dans cette adversité du corps au tableau – l’espace de l’atelier permet la temporalité de la création, définit un territoire pour l’acte de peindre en favorisant son activation mais aussi ses respirations, ses attentes, ses pauses.

Pour chaque tableau, le geste s’inscrit en creusant la toile sur un fond défini comme fondation. La peinture est processus, elle résulte d’une série d’étapes spatio-temporelles menées par un corps en énergie. Étale, la première couleur ouvre le lieu de la peinture.
C’est une annonce. L’espace est apprêté – la surface orientée, le terrain délimité, la tonalité donnée. C’est un espace de l’étendue, lisse et étiré, un écran, jusqu’ici même un écrin, déclencheur du travail à venir. Une fois posée – déposée – la couleur du dessous informe que celui-ci peut commencer. Non pour y apposer des formes, mais pour faire advenir le résultat d’une série de gestes accomplis successivement face à la toile, mais aussi dans la toile – condensés dans son cadre, concentrés dans des zones d’action. Le fond y est entr’ouvert, interrogé dans sa profondeur par ces gestes qui viennent en extraire la substance. Comme si celle-ci provenait d’un espace du derrière, de la partie cachée, du lointain et qu’il s’agissait de la ramener à la surface, au regard. C’est d’une substance construite dont il s’agit – maçonnée. L’artiste structure le matériau pictural en courbes, en lignes, entrelacées, resserrées ou déliées, façonnées en formes-blocs. Gonflées ou aérées, rapprochées ou éloignées, celles-ci témoignent de la diversité des approches et des rythmes et d’une orientation vers l’équilibre dans la tension. Chaque forme possède une teneur particulière déterminée en regard des autres dans un mouvement de confrontations visuelles.

Travaillées ensemble, les unes par rapport aux autres – des unes aux autres –, ces formes-blocs ainsi confrontées  fabriquent un climat davantage qu’une composition. Un climat par tableau, changeant selon la nature des contrastes colorés, selon l’occupation des formes dans l’espace, selon leur voluminosité et l’intensité de leurs vibrations. Déterminée par le degré de stratification des couleurs, cette intensité dépend aussi de l’amplitude des gestes, de leur nombre, de leur type, de leur potentialité à provoquer des écarts avec les gestes précédents. Si d’un tableau à l’autre ceux-ci se répètent, comme pour être à nouveau éprouvés dans l’espace et dans le temps, des modulations apparaissent. Au-delà des leitmotive – préparer le champ d’intervention de la peinture, attaquer le fond en son sein, par fragments, alterner la pureté des couleurs et les mélanges, la trace unique et les parcours complexes, faire tomber des formes tandis que d’autres restent en suspens, sculpter, architecturer les lignes – les tableaux se distinguent.

Se découvrent de nouvelles manières d’occuper la toile et d’organiser les formes-blocs – au centre, en diagonale, au bord, par groupes de trois, quatre, cinq ou plus, par cohabitation ou collision –, et de faire surgir ces formes, de ménager les respirations avec le fond et surtout de créer des dissonances. Au fil des années, la stratification se fait plus dense, laissant davantage percevoir l’empreinte de l’acte de peindre dans la durée, dans le temps de l’épuisement des possibles du tableau, dans la recherche de son aboutissement – non pas une fin en soi, mais la formation d’une limite à partir de  laquelle le tableau peut commencer à exister, une limite comme seuil. « La limite n’est pas ce où quelque chose cesse, mais bien […] ce à partir de quoi quelque chose commence à être » souligne Heidegger.

Sook Kyoung Lee cherche, dans la finitude du tableau et dans la mise en tension des formes, à multiplier les entrées et les possibilités d’approche. Elle fait du tableau un monde de monades fabriquant une atmosphère – quelque chose qui s’en dégage et enveloppe, qui touche tout en conservant son mystère. Une partition picturale aux interprétations infinies. Car la peinture ne raconte pas. Ne se décode pas. Ne représente pas. Elle est un secret palimpseste. Qui s’affirme et se dérobe à la fois. Une fois construit, le tableau s’extériorise, il devient une entité. Mais il est aussi le témoignage d’une humanité à l’œuvre et signifie l’enjeu des interrelations complexes dans l’acte de peindre entre le corps, l’espace et le temps. Il concrétise cet enjeu. Le circonscrit. Construction du tableau et construction de soi s’élaborent ensemble, dans l’adversité. Le réel de la peinture construit l’ici et le maintenant de l’existence. Se construit dans l’ici et le maintenant. Le tableau n’est donc pas la représentation d’une autre existence – idéale ou rêvée –, ni le symbole d’un ailleurs. L’altérité est toute proche.

                                                                                                                                Célia Charvet, 2010








Group show in Gallery UM, Seoul, Korea, 2010







Art fair KIAF (Korea International Art Fair), Seoul 2009











Les tableaux de Soo Kyoung Lee semblent évidents. Ce qui parcourt leurs surfaces ne convoque aucune esthétique particulière ni aucune « manière ». Le geste, associé à la couleur, se dévoile pleinement au regard, sans préambule. Une présence caractérise cette abstraction débridée, et c’est là l’unique raison qui anime S.Kyoung Lee  dès lors qu’elle se saisit d’une nouvelle toile.

Pour qu’un tableau s’accomplisse, de nombreuses étapes auront été franchies : l’a priori d’une couleur unique pour le fond, les premiers tracés au pinceau ou à la brosse, la réalité du geste côtoyant  le poids d’une tâche, l’addition, le retrait. Le peintre économise ses efforts pour qu’enfin cette somme de décisions s’éclaire  en un même lieu, fluide et concentré.

Livrer la couleur avec une gourmandise sensible sur la surface toilée, assumer la matière pour dévoiler ses multiples comportements selon différents degrés de dilution, rassembler le geste, cerner, maculer ; cette gymnastique ne connaîtrait aucun répit si son auteur n’avait conscience de ses limites.

Car, s’il n’y a à l’origine aucun dessin ou schéma préparatoire pour orienter l’action du pinceau, de même, qu’en est-il de l’instant où le peintre décide de l’arrêter ? Instance où temps et espace sont abolis en un phénomène  plastique « ex-nihilo », trophées de couleurs multiples accrochés à hauteur du regard.

La photogénie de cette édition iconographique ne peut malgré elle rendre compte d’une particularité fondamentale propre aux tableaux de cette exposition. En effet, leur rencontre physique manifeste immédiatement ce en quoi ils se séparent radicalement du monde des images. Un volume paradoxal propulse leur surface « en avant » sans qu’aucun recours illusionniste ou mimétique n’ait guidé leur conception.

Constater qu’en ce 21ème siècle il n’y ait plus rien de tangible à peindre, et que la mort d’une certaine idée de la peinture soit avérée, libère l’auteur de cette exposition.La tradition picturale a définitivement muté en un objet de pensée dont nous assistons ici à une nouvelle naissance.


                                                                                                              Jean-Marc THOMMEN,peintre,2009







Solo Show in Kyoung In Museum, Seoul, Korea 2009